Née dans une famille prospère et conservatrice, Yayoi Kusama vit ses premières années dans un pays en guerre. À 10 ans, elle souffre d’hallucinations. Elle se met à dessiner pour combattre un sentiment de désintégration devant la prolifération d’un univers invisible et sa peur d’y être engloutie. Dès le début, elle place ainsi sa maladie mentale au cœur de son processus de création. Elle suit les cours de l’école municipale d’arts appliqués de Tokyo et s’initie à la peinture Nihonga. Dans les années 1950, elle explore des formes plus abstraites, appréciées aussi bien par les cercles artistiques que psychiatriques japonais. Les motifs de ses dessins d’enfant (fleur, cosmos, cœur) sont répétés en réseau uniforme infini. Douze ans plus tard, elle s’installe à New York et étudie à la Arts Students League. Elle réalise alors la série Infinity Net (« réseau infini »), dont les compositions de plus en plus grandes, exposées pour la première fois à la Brata Gallery en 1959, semblent engloutir le public dans un réseau de lignes et de pois. Ce travail lui vaut d’être classée par la critique Lucy Lippard dans le mouvement de l’Eccentric Abstraction, qui se caractérise par un refus du minimalisme strict et l’inclusion des émotions, de la sensualité, par l’utilisation de matières synthétiques aux formes organiques et aux résonances sexuelles.
En 1963, l’artiste présente sa première installation à New York à la galerie Gertrude Stein, Aggregation : One Thousand Boats Show, un bateau recouvert de formes phalliques blanches dans une pièce dont les murs arborent un papier peint portant ce même motif. Ses séries d’objets obsessionnels s’attachent à la sexualité, à la nourriture et aux meubles. En 1963, elle réalise ses premiers happenings libertaires, puis des défilés de mode. Elle retourne au Japon en 1973, où elle crée, après 1980, des sculptures souples et des environnements qui jouent sur les effets de miroirs et de lumière artificielle : des milieux clos et sensuels, toujours saturés de ces pois qui constituent en quelque sorte son emblème. Dans les années 1990, plusieurs expositions assurent sa reconnaissance internationale, lui permettant de réaliser de monumentales installations d’objets gonflables et des sculptures en plein air.
Exposition : « Yayoi Kusama : 1945 to Now » au musée M+ à Hongkong, du 12 novembre 2022 au 14 mai 2023