Cela faisait deux ans qu’ils avaient emménagés dans ce studio au dernier étage d’un immeuble du XIème.
Elle avait tout fait pour le soutenir. Ce matin, sans avertissement et discussion possible, il lui avait dit que la vie de famille, le mariage, les projets communs, tout ce dont il avait parlé, ce n’était pas pour lui et que sa carrière artistique n’envisageait rien d’autre que de retourner au plus vite dans la grande capitale de l’art, là où tout se crée, se décide et se joue, à Genève, en Suisse.
Là où la vie te saisis d’une urgence créative et dans laquelle chaque artiste rêvait d’y être un jour reconnu parmi l’élite. Là où seul il était possible de pouvoir espérer qu’on reconnaisse l’expression sincère d’un travail né de ses trippes.
Il avait pris un sac et avait quitté le studio sans un mot, il ne donna jamais plus de nouvelles.
Quelques jours plus tard, dans l’atelier de Chris, son meilleur ami, un sud-coréen décorateur, assise à choisir des tissus pour des cloisons pivotantes, elle avait dit:
- J’ai entendu un mec chanter ce matin à la radio en sortant du métro « Imagine qu’il n’y a pas de paradis, pas d’enfer sous nos pieds, seul le ciel au dessus de nos têtes, et que les gens vivraient dans le présent...» Tu crois que c’est facile si on essaye ?
- Ce type est un mytho. Encore un mec sans amis sur Insta, sans image, sans tatouages, un mec qui vit dans l’illusion d’y arriver seul et qui finira seul avec son balluchon de rêves. Laisse tomber.
Elle n’avait rien répondu.
Elle avait remis ses écouteurs sur ses oreilles,
Ray LaMontagne, lui, chantait:
Well the truth it fell so heavy
Like a hammer through the room
That I could choose another over him
Nicolas Ambrosetti
Paris, avril 2020