Erreur de casting...
Il est 5h et le jour va se lever sur les collines du Kerala.
C'est la mousson, il fait chaud et l'humidité est étouffante, alors quand vient la pluie c'est les bras tendus vers le ciel que je remercie les dieux locaux, il y en a beaucoup ici...
Départ pour le yoga. Dans la salle, chacun, mal réveillé, se salue discretement, chacun rentre dans sa bulle dans l'espoir de trouver un peu plus de sagesse en fin de session sur un tapis détrempé par les toxines de nos excès.
Mais ce matin malgré la rigueur des traitements imposés par l'Ashram, l'esprit est clair. Clair mais attristé. Attristé par le souvenir de la route qui m'a conduit ici en rase campagne.
L'inde, ses routes, ses klaxons, ses pélerins, ses gens qui marchent vers divers destins, des cahutes à bananes et Kfc...
Celui qui vends des poulets d'élevages, nourris aux antibiotiques et par milliers, Kfc, ici sur mes routes de l'Inde. Cette Inde qui me reçoit depuis presque 40 ans, cette Inde qui m'intrigue, me gifle de son urgence de vivre, ces hommes aux sourires sincères même quand la vie avant même de tout leur prendre ne leur a rien donné... Kfc...là avec sa belle enseigne rouge et blanche et ce barbu américain à lunettes sur la route du bord de mer des Laquedives...
Mais que fout-il là ce con? Et moi alors?
Le réveil est dur. J'ai l'impression de sortir du Kfc, le bide tordu, la tête chautée par des milliers d'émotions, d'images, de pensées et moi, là au sud de l'inde sur mon foutu tapis encore plus trempe que d'habitude. Comment digérer ce foutu Kfc...
A-t-on vraiment laissé l'Homme venir proposer son Kfc ici à ces gens dont la plupart pour le clin d'oeil sont végans ou végétariens?
Pour le moment la seule chose qui me conforte c'est de me dire que je vais en vômir. Je ne dois pas être si malade que cela en somme.
Kentucky fried chicken, route de Cochin, à droite après le centre crématoire en plein air et ces enfants qui chient aux bords des routes. Un peu plus loin que le Tuk Tuk de Vishnu garé en bord de route, qui jamais ne pourra se payer la quart du tiers d'un "bucket" made in Kentucky et qui pleure ce Monde devenu fou.
Quant à moi, déjà certainement pourri par ce Monde je vais tenter de revenir un peu plus sage et écrire à Vishnu qu'il n'a pas à s'en faire, d'essayer de le rassurer, le convaincre... C'est pas si bon ce Kfc en fait... Qu'il a encore ces valises de libertés et de sagesse qui valent tous les ors du monde.
Dans la douleur parfois que nous vivons ici, white sick pips, c'est souvent le constat qu'à notre insu ou pas, nous avalons trop souvent ces Kfc et certainement sommes aveuglés par des quotidiens beaucoup trop confortables pour etre encore capables de bon sens.
C'est décidé je n'irai pas y bouffer! Erreur de casting.